Chaque année, 5 à 10 % des pommes de terre récoltées par Serge Vachon sont déclassées pour leurs simples défauts esthétiques. Trop petites, tachées, mal formées : elles sont jugées invendables selon les standards de mise en marché, alors qu’elles sont parfaitement comestibles. Ce gaspillage, récurrent et frustrant, devient le déclencheur d’un grand projet.
À cette réalité agricole s’ajoute le rêve de François Durand, ingénieur agronome. Inspiré par l’histoire de son arrière-grand-père, producteur de vodka, François imagine une distillerie qui transformerait ces pommes de terre « rejetées » en spiritueux de qualité.
Cependant, l’industrie québécoise des spiritueux n’a rien d’un terrain fertile pour les idéalistes. La SAQ contrôle le marché, les marges se révèlent minces, et la concurrence féroce. Produire une vodka de pommes de terre coûte environ 2,5 fois plus cher qu’une vodka à base de grains, beaucoup plus répandue. De plus, selon les données de l’époque, plus de 70 % des microdistilleries québécoises connaissaient des problèmes de rentabilité. Ces constats se révèlent brutaux.
Le risque n’était pas seulement financier, puisqu’on cragnait aussi de voir une idée noble ne jamais atteindre son plein potentiel. On le siat, c’est le dilemme que vivent les entreprises qui lancent un produit innovant sur un marché complexe et saturé, souvent ingrat.
C’est à ce moment qu’ils se sont tournés vers notre équipe avec une excellente question : comment créer de la demande pour un tel produit, là où les règles du marché limitent l’accessibilité. Notre réponse : positionner la rareté non comme une faiblesse, mais comme un choix. Vendre un produit certes, mais surtout, vendre une histoire. Celle d’Aurel & compagnie.
Au départ, le positionnement identifié par notre équipe s’inscrivait dans un registre ultrapremium avec une vodka d’exception, distillée plusieurs fois pour atteindre une pureté remarquable, incarnant le savoir-faire boréal du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Le discours mettait l’accent sur la qualité de la production, l’héritage familial et la rareté de la vodka à base de pommes de terre. Le contexte initial justifiait ce positionnement haut de gamme et la vodka Aurel se présentait alors comme un produit de niche, destiné à rayonner sur les marchés québécois, canadien et nord-américain.
Mais à mesure que le projet prenait forme, un ajustement stratégique s’est imposé. C’est ainsi qu’en 2023, le cœur du positionnement s’est déplacé : de la performance du produit vers l’impact d’un projet ancré au Saguenay–Lac-Saint-Jean, nous amenant à réorienter l’histoire vers le modèle économique circulaire de la ferme familiale, qui constitue un élément distinctif durable, aligné sur les tendances sociales actuelles et les valeurs de l’entreprise.
Désormais, l’histoire familiale, le savoir-faire agricole sur quatre générations, le terroir nordique et l’engagement écologique deviennent les piliers de la marque. Le produit ne se vaut pas seulement par son goût, mais par ce qu’il incarne : une manière de produire autrement, plus respectueuse, plus enracinée.
Dans les deux cas, on conserve l’histoire familiale, celle de Serge et François rendant hommage à leurs arrière-grands-pères Aurel et Casimir, agriculteurs en Pologne et au Québec.
Pensée au départ pour soutenir une distribution étendue à l’échelle provinciale, la stratégie de communication a elle aussi été redéfinie en 2023. L’objectif : créer un fort ancrage régional, miser sur la notoriété locale, stimuler la curiosité et générer une adhésion sincère. Sous le nom Aurel & Compagnie, la communication s’est recentrée sur des leviers durables :
Notre équipe a coordonné le lancement officiel, combinant planification et exécution terrain. Nous avons pensé cette rencontre comme une occasion privilégiée de rapprocher notre communauté. Nous avons mis en place diverses actions de visibilité, telles que des campagnes radiophoniques ciblées dans la région, des publicités numériques sur Facebook et Instagram, des relations de presse générant une couverture immédiate, ainsi que des partenariats avec des entreprises locales, afin d’ancrer la marque dans son territoire et de créer un véritable effet de bouche à oreille.
Cette méthode a permis de générer un sentiment de proximité, d’appartenance et de fierté collective envers le produit. Un lancement à taille humaine, mais surtout, une belle grande étape pour la famille Vachon, marquant l’aboutissement d’un projet porté par la patience, la rigueur et la foi en une idée juste. Ils ont fait le choix de ne pas tout conquérir d’un coup, mais ont plutôt choisi de s’établir d’abord, puis de développer, bouteille par bouteille, une relation de confiance avec le public.